K/8 : Un sacrifice en vaut un autre
Pendant ce temps, à l’étage au-dessous…
- HAAAN ! HAAAAANNNN !!
Depuis ce matin que je m’échine sur cet engin de torture…
HAAANNNN !!! Si avec tout ça je maigris pas… y a où se flinguer !
- Allez, encore un petit eff… effort !
Après, je monte sur la balance.
- Oups !! J’y suis peut-être allée un peu fort !
Me reste plus qu’à aller en ville renouveler ma garde-robe.
J’en profiterai peut-être pour aller faire un tour chez le coiffeur.
- Alors ?? Vous les trouvez comment, mes spaghettis ?
- Heu… franchement ?
- Meuh-oui, allez-y dites-moi ce que vous en pensez.
Hein, qu’ils sont bons ? Je m’en ferais péter le ventre, moi !
Je vous donnerai la recette si vous voulez.
- Heu… je les trouve… fades ! Ca vous étonne ?
Vous auriez dû me laisser rajouter du sel au lieu de cacher la salière.
- Nan ! Ce que j’en fais, c’est pour votre bien. On s’habitue, vous verrez !
- Alors, me demandez pas ce que j’en pense.
- Au fait, Edith… vous m’aviez pas dit : paraît qu'on a un petit génie dans la famille ?
- Oui, Claude ! Il a toujours très bien marché à l’école, comme vous savez, mais là vraiment, il nous épate.
Prix d’excellence en classe et au sommet de sa carrière. Peuvent pas lui confier d’autre poste à cause de son âge, mais ses patrons sont prêts à lui donner une promotion dès qu’il aura passé son bac.
- Son bac ? Mais… il va pas s’arrêter là, j’espère ! Vous allez l’inscrire à l’Université ?
- Il aimerait bien. D’autant qu’il serait admissible même sans le bac, rien qu’à la vue de son dossier scolaire. Gérard a reçu une lettre du rectorat dans ce sens là. Heureusement que Claude n’est pas au courant.
- Mais quel gâchis ! Une intelligence pareille ! Faut lui faire suivre des études.
- « Faut ». Vous savez combien ça coûte l’université ? Même avec des bourses… si on doit acheter une mais… si on doit lui louer une maison, c’est 2 500 $ au bas mot. On n’a pas les moyens de suivre. Il aura une bonne place quand même. Faut pas trop s’en faire pour lui. Et puis, il pourra continuer à grimper les échelons en interne.
- NAN ! C’est hors de question !
Je ferai tout ce qui faut pour l’aider, puisque vous allez venir vivre à la maison.
Un sacrifice en vaut un autre. Rappelez-vous bien de ça, Edith.
Sera pas dit dans le quartier que j’aurais laissé mon petit fils sans le sou.
- Je tâcherai de m’en souvenir, belle-maman.
- Bien ! C'est ce que vous avez de mieux à faire.
* La garce ! Elle pouvait pas lui donner de l’argent sans condition ?
« Puisque vous allez venir vivre à la maison… Un sacrifice en vaut un autre… »
Elle n’aurait pas pu être plus claire. *
- Alors Marion ? T’as bien travaillé, à l’école aujourd’hui ?
- Meuh-oui. Pourquoi que tu me demandes toujours ça, tonton ?
T’as bien travaillé, à l’école ? T’as bien travaillé à l’école ?
Y a pas que l’école dans la vie !
- C’est parce que je t’aime bien Marion. Je voudrais que tu t’en sortes, tu comprends ?
- Que je me sorte de quoi ?
- Mais de ce milieu où tu vis. Ca te plairait pas d’avoir une belle voiture, plus tard ?
Une belle voiture, une belle maison… tu voudrais rester toute ta vie dans cette HLM ?
- Beuh-nan, hein ! Moi je voudrais une maison immense où je pourrais emmener
ma maman pour qu’elle soye plus jamais triste.
- Ta m… bref ! Ben pour ça, faut bien travailler à l’école, tu vois.
- B’soir !
- Claude ?! C’est quoi cet accoutrement ? C’était carnaval aujourd’hui ?
- J’vois pas de quoi tu veux parler.
- Tu vois pas ? Tu te fiches de qui, là ? T’es tombé sur la tête, ou quoi ?
C’est une tenue pour aller au lycée, ça ?! Tu trouves que ça fait sérieux ?!
- Tu files un mauvais coton, mon petit gars ! C’est quoi, la prochaine étape ?
La drogue ?! Je te préviens : Pas de ça chez nous !
T’es pas encore trop vieux pour que je te corrige comme il faut.
- Ben va-z-y, cogne ! Qu’est ce que t’attends ? Corrige-moi !
Tu me rendras service. Je resterai pas une minute de plus dans cette baraque !
- P’tain, là y fait fort, le frangin. Il va se faire tuer.
- Qu’est ce qui va faire, tonton ? Il va le taper, Claude ?
- Enfin, Claude… qu’est ce qui te prend ? On peut discuter.
T’es plus un gamin, quand même !
- Discuter de quoi ? Déjà que tu te charges de me choisir mes amours,
tu voudrais pas choisir mes fringues, en plus ?!