C/3 : Femme qui se plaint…
- Elle m’a raccroché au nez ! Tu le crois ça, Edith ?!
- Qui « elle » ?
- Ma mère ! Elle se plaint que je l’appelle pas assez souvent, qu’un jour les voisins la retrouveront morte dans sa cuisine, et elle me raccroche au nez. Tu te rends compte ?!
- Si tu l’avais pas habituée à l’appeler tous les quatre matins…
- Non-mais, elle dit qu’elle est malade. Elle est un peu fragile depuis le décès de papa.
- Fragile, ta mère ! Elle nous enterrera tous ! Comme disait mon père : « femme qui se plaint, on n’en voit pas la fin ».
- Là t’exagères Edith. Je sais bien que vous ne vous entendez pas très bien, mais si elle est malade, c’est normal que je m’inquiète. Elle va sur ses soixante-dix ans quand même.
- On ne s’entend « pas très bien »… Elle m’a toujours détestée, tu veux dire ! J’étais pas assez bien pour toi. Tu penses, une simple serveuse !
- J’ai envie de la rappeler. Tu crois qu’il faut que je la rappelle ?
- Tu fais ce que tu veux Gérard. T’es assez grand pour savoir ce que tu dois faire.
* Il va pas rappeler ?
Vous verrez qu’il va pas rappeler, ce fils ingrat.
Tutu tut tutu tut tu tut
* Ah quand même !
- Gérard ? Nan je suis pas encore morte. Tu devras attendre un peu pour l’héritage.
* Il l’a rappelée, j’en étais sure ! Y a pas à dire, elle sait y faire, la vieille.
* Il est tellement prévisible, mon pauvre Gérard.
- Souris, descends de là !
- Alors ? Qu’est ce qu’elle te voulait ?
- Bof, comme d’habitude : Je vais jamais la voir. Je suis pas allé sur la tombe de mon père. J’attends qu’elle meure pour hériter de la maison… -ce qui devrait plus tarder d’après elle, avec sa maladie.
- Elle est vraiment malade ?
- Elle a attrapé une cochonnerie avec des cafards. Ca devient préoccupant cette histoire de cafards. Ils envahissent tout. Tu sais pourtant comme elle est maniaque.
- Oh-oui, je sais !
- Je vous ai entendu parler de cafards ? Y a des cafards ? Remarque : pas étonnant, dans cette HLM pourrave !
- Parle pas de malheur, Angèle ! Non, on n’a pas de cafards !
C’est ta grand-mère. Elle a subi une invasion et depuis sa santé s’en ressent.
- Ah, c’est que mémé ! Ca devait bien lui arriver avec ses sacs à puces. C’est le clébard qu’a renversé la poubelle ?
- C’est lui… ou un autre. C’est fou le nombre de chiens qui traînent dans les rues. La fourrière est débordée. Ils en parlaient encore sur TV-infos hier soir... Ca a l’air de te soucier la santé de ta grand-mère, ça fait peur.
- Oh, on la connaît mémé : Chuis pas bien, je vais bientôt mourir… Si on devait s’inquiéter à chaque fois… Bon, moi je vais me coucher ! Je suis crevée.
- Ah-ha, tu vois ce que ça fait de travailler !
- Je sens que je vais pas tarder à faire pareil.
- Mais avant… je vais mettre le sac poubelle au vide-ordures.
Tu m’as fait peur avec ton histoire de cafards, Gérard.
- Edith attends ! Pose ça !
...
- On va quand même pas se coucher fâchés.
* S’il se figure qu’il va avoir droit à son crac-crac pour autant.
Alors là, il me connaît mal !